Journaliste de soi ?

Plus j'avance en blogologie, et plus je vois finalement le monde des blogs se séparer inexorablement en deux. A ma droite, les blogs persos, vraiment persos qui vous laissent entrevoir la personnalité vraie de l'auteur qui l'anime et à ma gauche, des blogs sans âme, pseudo journalistiques et qui tentent de singer les bonnes vieilles recettes désespérées du web d'antan.

En fait, lorsque l'on commence à écrire un blog, on le fait souvent pour exprimer quelque chose d'assez banal. C'est quotidien, personnel, mais pas véritablement impliquant. Puis un jour on dérape, dans une direction ou dans une autre, mais l'on ne reste pas le blog entre deux chaises.

Ma première intention fut de vous parler de mon métier et de la science supposée que je pouvais détenir sur les choses de la communication. Puis rapidement, j'ai trouvé cet exercice austère, aride. Je me suis lassé et j'ai compris que la source de mon plaisir ici était de me livrer d'avantage et de parler plus intimement et plus personnellement. Ca n'a pas été simple et car il a fallu lâcher prise, petit à petit, et se libérer d'une foule de contraintes ressenties, tant sociales que professionnelles. Et puis il a fallu aussi affronter ces critiques incessantes de ces mal-baisés de l'ego qui viennent à chaque fois, sous couvert d'un anonymat confortable, vous casser une burne en vous reprochant de vous répandre sans pudeur.

Je connais des blogueurs qui ont commencé presque en même temps que moi et qui ont suivi une toute autre route. Ils ont refusé de se livrer et de s'ouvrir et animent aujourd'hui un blog qui ressemble plus à un portail qu'à un journal de bord perso. Ce sont des blogs habités uniquement par ceux qui viennent commenter, l'auteur étant un serviteur quasi masqué, agrégateur des idées des autres.

Je ne sais pas si je suis unique quand je dis préférer les blogs qui laissent transparaître la qualité de leur auteur, mais j'avoue que les seuls blogs que je lis avec avidité sont ceux qui sont incarnés, au premier sens du terme, avec des auteurs qui s'impliquent, qui font transpirer leur talent sur la toile et nous livrent les gouttes de sueur de leur anima.

Des gens comme ça, la blogosphère en a vraiment besoin. Vous qui tenez un blog ou prévoyez d'en ouvrir un, faites nous plaisir ! Que vous parliez de technologie, de cinéma ou de taxidermie orientale, lachez vous et montrez nous qui vous êtes.

La reconnaissance est un des besoins primaires de l’individu moderne, son blog sera alors sa vitrine.Comme son apparence physique dans un contact extérieur sauf qu’ici l’individu est dans son monde, dans sa « bulle » parce qu’il contrôle l’image qu’il donne de lui et les symboles qu’il transmet. Et là ce n’est pas nouveau, en société la maîtrise des impressions des autres est essentielle dans les interactions sociales. En actualisant la pensée d’Irving Goffman, on peut dire que le blog répond au besoin de rayonner car l’individu est à la fois acteur et metteur en scène dans sa relation avec les autres. Ainsi nous pouvons aisément comprendre le succès de Twitter, dans le web 2.0. Twitter vous donne la possibilité de laisser de courts messages décrivant votre activité du moment. Ce nouveau mode de communication baptisé « microblogging », vous permet donc de dévoiler au monde entier où vous êtes, ce que vous faites, et avec qui et ce en quelques secondes seulement ! Ce concept à première vu inutile a eu énormément de succès grâce encore une fois au besoin de reconnaissance des gens, et à l’attrait d’une nouvelle forme de célébrité accessible à tous (« chacun cherche sa minute de gloire »). Aujourd’hui, paradoxalement, il est plus facile et plus accessible d’exister dans le monde virtuel que dans le monde réel (http://newwebsociety.blogspot.com/2007/07/twitter-ou-la-recherche-de-la-gloire.html ).

C’est la disparition progressive des lieux de rencontres

publiques dans la vie de tous lesjours qui ont construits

les communautés virtuelles. « Les communautés virtuelles peuvent être comme des bars, des bistrots, des cafés. » évoque Sherry Turkle, professeur de sociologie au MIT. Elles n’ont pas l’intimité de la famille, ni l’anonymat de la rue. Elles se positionnent entre le privé et le public. 

Cela dit, elles remplissent un espace et réponde à un besoin d’appartenance à un groupe social. Le besoin de s’intégrer est primordial pour l’homme («  l’homme est un animal social » Aristote), le blog est donc une possibilité de se faire connaître et d’avoir un tissu social, en particulier pour les jeunes, pour qui le blog est une vitrine de soi ( 12 millions de création de blogs en 2005 dont la moitié sont à des adolescents) (http://psaume.infini.fr/IMG/pdf/Memoire_Master_2_-_Emilie_Bouvrand.pdf ; http://minterdial.blogspot.com/2007/04/la-crise.html).

Notre identité sociale, c’est à dire la personne que nous devenons

en public, est un masque dont l’existence suppose que nous avons

refoulé nos pulsions inavouables. De quoi sommes nous capables pour vivre en société, s’intégrer… ? L’avantage d’exposer sa vitrine au monde virtuel réside dans le changement d’identité… En effet dans son blog on peut fabriquer son propre « masque », des photos retouchées, un pseudo, des réponses à des questionnaires et le tour est joué. Mon identité virtuelle peut ainsi prendre son envol parce que son caractère fictif m’autorise à être celui que j’ai toujours rêvé d’être, connu et reconnu par ses pairs. (Courrier international hors série octobre/novembre 2007 Mais qui peut bien être mon moi numérique )

Selon un sondage du ministère de la Culture datant d'il y a huit ans,environ 8 % des Français s'adonnent à cette écriture introspective,qui pourrait sembler désuète à l'heure du tout-high-tech et d'Internet. Mais avec l'apparition des blogs sur le Web, est née une nouvelle génération de « diaristes », qui contribue, mois après mois, à grossir les rangs des écrivains « secrets ». Philippe Lejeune, cofondateur de l'Association pour l'autobiographie (APA), est catégorique : « On est sur une pente ascendante. » Besoin de faire le point avec soi-même dans un monde global déshumanisé, de recréer la proximité... « Cette explosion est liée avant tout à l'élévation du degré d'instruction et à la prolongation de 14 à 16 ans de la scolarité obligatoire depuis 1958. » L'adolescence, avec ses états d'âme, ses insatisfactions, est propice à l'« ouverture » d'un journal intime...

Philippe Lejeune - avec une autre spécialiste des écrits personnels, Catherine Bogaert - s'est plongé dans ces milliers de pages manuscrites ou imprimées pour réaliser une histoire et une anthologie du journal intime

Blog intime
Jusqu'à l'explosion des fameux « blogs », qui redistribuent les cartes. Le journal intime perd sur le Net ses connotations passéistes et mièvres, son côté « réservé aux filles » - il n'est plus interdit à un garçon de banlieue de s'épancher, pourvu que ce soit avec style et un graphisme « cool »... Mais le journal ne perd-il pas ainsi de son intimité ? « C'est une nouvelle intimité, de réseau, qui se crée », rétorque Philipe Lejeune. On ne s'adresse plus à son entourage, mais à une communauté d'internautes. Face à la concurrence des autres cyberdiaristes, « il faut affirmer un style, un ton », forcer un peu les traits de son caractère, mettre en scène sa vie intérieure. Le blog ne change pas une des vocations premières du journal, « rompre sa solitude, communiquer ».

Son autre vocation, métaphysique, est « de lutter contre la mort et l'effacement ». D'où l'importance de la transmission.. »

Le passionné de journaux croit à la langue salvatrice. Il n'a pas peur de partager l'intime. Il accepte la monotonie, la répétition. Il a choisi de ne pas faire le tri dans les mots du quotidien. D'accepter l'autre dans la totalité de son être. Avec sa laideur et sa beauté, ses peines et ses espoirs, sa rage de vivre et sa rage d'aimer.

« Ah, vivre. Je charrie dans mon sang une marée, l'équinoxe des longs jours qui reviennent, le désir de l'amour, des aventures, des passions, de la mer, des fièvres, des départs, des nuages, des sanglots, des solitudes » (1er avril 1922, Mireille Havet, vingt-trois ans) .

Comparatif entre la charte du journalisme (1918) et la charte du blog (nethique pour le blog)

En mettant en parallèle ces deux documents,, nous pouvons détacher quelques points communs ainsi que quelques différences entre les statuts de blogueur et de journaliste.

Le travail de blogueur et celui de journaliste ont en commun le fait d’être orientés vers une cible : le lecteur. Dans tous les cas, il est au centre de la réflexion, que ce soit lors de la rédaction d’un article, d’un reportage, d’un commentaire… Un journaliste sans lecteur, eu même titre qu’un blogueur, n’a aucun sens.

Blogueurs comme journalistes doivent assumer la responsabilité de leurs écrits et doivent donc éviter de se cacher derrière un faux nom. L’anonymat peut être respecté mais il est généralement préférable de signer ses articles ou ses commentaires de son vrai nom, l’anonymat ne devant pas permettre à celui qui écrit d’être offensant, blessant, injurieux…

Pourtant, là où la charte des journalistes prône une véritable éthique propre à ce métier (ne pas user de ses « pouvoirs » à des fins personnelles…), la charte du blog traite, quant à elle, en grande partie de la forme des écrits, plus que du fond. On peut d’ailleurs ici remarquer l’article sur les smileys, ces petits signes informant sur l’humeur du blogueur lorsqu’il écrit. Si le journaliste se doit de délivrer une information impartiale, en toute objectivité, en s’effaçant au profit de l’information elle-même, le blogueur doit, au contraire, partager son humeur avec son lecteur afin d’appuyer le sens de ses propos.

Le blogueur peut, par ailleurs, se permettre de ne pas écrire un français parfait, même si cela est de plus en plus mal vu, certains blogs interdisant même l’usage du langage SMS. Le blogueur peut donc se permettre certaines fautes d’orthographe ou de grammaire, là où la moindre faute du journaliste sera soulignée.

« Lorsque l’on ne va vraiment pas bien, que l’on n’arrive pas à en parler, on retient tellement tout en soi que le soir, sur son blog, on explose tout. » A 15 ans et demi, Morgane a déjà connu deux tentatives de suicide, les auto-mutilations et un séjour en pédopsychiatrie. Sur son blog, des photos des petites filles recroquevillées et en pleurs, une image de pendu, de la souffrance… « Ce blog me permet d’exprimer ce que je ne sais pas dire par des mots… Il est peut-être à la portée de tout le monde, mais je reste quand même anonyme. Quand des gens se retrouvent dans mes textes, je réalise que l’on n’est pas seul, que beaucoup d’adolescents souffent ». Elle va mieux, dit-elle aujourd’hui, en précisant que son premier blog créé à 14 ans était encore plus noir, avec des photos de cadavres : « J’avais envie d’être aidée, écoutée, je cherchais une aide, une bouée ou mieux, un bateau… » Et ça marche. Ses parents tombent un jour sur le site, découvrent son mal de vivre et décident de lui parler avant qu’il ne soit trop tard : « alors, j’ai tout retracé avec eux et je me suis rendue compte que dans mes blogs je partais en délire, j’écrivais ce que je ressentais sans réfléchir et m’exposais vraiment. » « On m’a déjà posé la question, poursuit-elle, si écrire ce blog n’était pas comme laisser son journal intime ouvert dans la salle de bain, même inconsciemment, pour que mes parents le lisent… la réponse est peut-être oui ». Sauvée par le blog, Morgane prend un peu plus de recul sur les ‘’blogs-réalité'’ : « j’ai évolué, j’ai appris, je sais qu’ils sont souvent pathétiques ».

Une après midi sur MSN avec Marjorie alias « Marjo »,

19 ans, blogueuse depuis quatre ans avec 5 blogs à son actif.

Pourquoi avoir eu l’idée de créer ton blog ?

Le premier blog que j'ai créé j'avais environ 15ans. Le but je ne m'en souviens pas exactement mais je pense que s'était sûrement pour pouvoir         avoir un espace à soi sur cette géante toile, histoire de dire "coucou je suis là j'existe" et aussi c'est un échange avec des amis.

Certains d'entre eux aussi ont un blog et on s'échange nos impressions sur les articles par commentaires.

Il y a aussi quelque part un rêve de popularité refoulé sûrement lol

Qui selon toi vient visiter ton blog ?

Des gens qui s'ennuient qui font des recherches par thèmes, à part des amis pas grand monde.

Il y a aussi les gens de chats, les "inconnus du net" à qui on donne l'adresse pour faire un peu de pub quelques fois.

C'est aussi une manière de se présenter.

Mais quel intérêt de te faire connaître via ton blog ?

Il n’y a pas réellement d'intérêt à se faire connaître via son blog. C'est une sorte de satisfaction personnelle.

L'avis des gens sur moi en général m'importe peu, les gens qui me connaissent savent qui je suis, et toutes les critiques sur mon attitude narcissique ou autres bêtises ne me touchent pas.

Juste de se dire j'ai créé quelque chose qui plait, qui intéresse les gens.

Donc une satisfaction personnelle mais pas de narcissisme ?

Non, juste une peu de fierté quand ça marche.

As-tu déjà rencontré de nouvelles personnes via ton blog ?

Non.

Penses-tu être le mieux placé pour parler de toi ?

Je pense que oui même si je dois sûrement manquer de recul pour certaines choses. C'est ma vie, c’est moi qui ai vécu toutes ces choses. Personne ne réagit de la même manière pour un événement donné et il est toujours difficile d'exprimer exactement ce que l'on a ressenti à un moment précis de sa vie. On peut s’en approcher grandement mais ce ne sera jamais exactement pareil.

Je parle plutôt de l'intérêt de quelqu’un qui voudrait avoir des informations sur toi. Tu penses qu'il vaudrait mieux qu’un vrai journaliste écrive sur toi ?

Ca pourrait être une bonne chose si jamais je veux exposer ma vie au grand public pour une autobiographie ou quelque chose dans ce genre.

Pourquoi ? Parce que tu choisis qui vient lire ? Mais quand tu dis que tu fais ta pub, du coup la sélection est assez large ?

Je ne raconte pas toute ma vie dans ce blog, juste quelques impressions.

Mais sur les points que tu veux raconter, quelqu’un suivrai l'évènement de ta vie au réel ou comme moi t'interviewerai, serait-il mieux placé pour transmettre une information te concernant ?

Ce sont mes ressentis, ma façon de voir les choses. Seule moi peut exprimer cela. Si une autre personne le fait ce sera obligatoirement déformé et on n’a pas toujours envie de dire toute la vérité au gens qui regardent notre blog.

Passes-tu plus de temps sur les blogs des autres que sur le tien ?

Non je passe plus de temps sur mon blog.

Préfères-tu t’exprimer ou écouter ? Donner ou recevoir de l’information ?

Les deux m'intéressent beaucoup, mais il y a des fois où l'écoute est ennuyeuse.

J'ai vu que tu proposais beaucoup au gens sur ton blog de donner des informations, est-ce que ça t'arrive d'aller sur des blogs demander de l'information sur un sujet traité par un blogueur ?

Non si je cherche une information je vais la chercher ailleurs.

Ecris-tu pour toi, ou pour tes éventuels lecteurs ?

L'écriture est en général un exutoire après si ça ne plait pas tant pis.

Existent-ils des sujets que tu n’oseraies pas traiter dans ton blog ? Pourquoi ? Te fixes-tu des limites ?

Oui par peur que je ne déçoive des personnes.

L'information est alors faussée aussi ? Comme avec un journaliste qui parlerait de toi en fait ?

C'est juste que je ne dis pas tout.

Ce n’est pas mentir par omission ça ?

Pas pour moi.

Mais tu n'as aucune limite de conscience, de déontologie... Tu sais que tout les monde peut venir te voir, des très jeunes...

Sur mes anciens blogs oui.

Penses-tu pouvoir faire de la rédaction à titre professionnel avec ton expérience de la mise d’information en ligne via ton blog ?

Je ne pense pas, ce n'est pas réellement compliqué de s'occuper d'un blog.  Mais si l'occasion se présente ça pourrait être intéressant…